01/09/2018

 

La nouvelle est bouleversante, elle fait mal à entendre… Mais est malheureusement belle est bien réelle.

Mathias à lourdement chuté lors de son premier rallye, la Ruta 40, ou il s’est brisé des vertèbres, entre autre en T6 la ou la moelle épinière est gravement touchée…

 

 

Mathias :

 

Je me pointe là-bas, avec un goût amer quant à mon dernier France évidemment, mais très content et enthousiaste à l’idée de découvrir ce milieu qu’est le rallye-raid. Un nouveau monde, mais où j’y retrouve des têtes familières que j’apprécie comme celles de Walkner avec qui on s’était tiré la bourre toute la saison de championnat d’Europe motocross 2009, Price, Pela et son mécanicien Louis ou encore un de mes meilleurs amis, Xavier de Soultrait, des gars de l’enduro que je connaissais déjà bien…

Tout se met en place rapidement au « shakedown ». J’avais beaucoup de choses à apprendre, c’était très stressant avec énormément de paramètres à intégrer. Les Road-book, se lever à 5h du matin, prendre le premier départ de spéciale de sa vie… un peu comme le passage du motocross à l’enduro mais avec encore plus de règles ! La moto, c’est un ordinateur, il y a des boutons de partout, tu ne sais plus quel bouton sert à quoi !

Prologue

Même si le team ne m’avait mis aucune pression, au contraire, j‘aurais bien aimé gagner le prologue. On l’avait reconnu deux fois en moto, une piste genre WRC en terre béton sur 8 km, rien de spécial, juste du pilotage, aller le plus vite possible. Mais il ne fallait pas se sortir ! Malheureusement, le pilote devant moi est tombé et j’ai donc écopé de sa poussière lorsqu’il est reparti vingt secondes devant moi. Je fais quatrième du prologue à seulement 3 secondes du premier en ayant dû couper dans une ligne droite où j’ai même sorti les pieds tellement je n’y voyais rien !

Jour 1

Le lendemain, première spéciale de 280 km. Grâce à mon bon prologue, j’ai choisi la place de 7e au départ. Price partait trois minutes derrière moi. Il s’est passé environ 90 km avant qu’il ne me rattrape. Par la suite je suis parvenu à le suivre relativement facilement, mais pas bêtement : je me tenais au road-book, j’étais toujours calé à chaque note. J’ai passé 80-90 km ainsi, avec sa poussière et, dans les dunes j’étais toujours juste derrière lui. C’était super agréable. Après le refueling, je repars au contact. A un moment, son instrumentation de cap a commencé à dérailler et il a baissé le rythme, me demandant même où on en était. A un WayPoint, paumé dans les dunes, il part tout droit alors que le cap de mon road-book me dit d’aller à gauche. Je ne savais pas quoi faire, j’avais un peu la trouille de me retrouver seul en ayant fait le mauvais choix, du coup je décide de le suivre quand même… Lui fait finalement marche arrière, on coupe en travers, et le WP d’après que l’on cherchait la flèche s’ouvre pas. On se concerte, moi je vois des traces, je le sentais plus à gauche, lui à droite. On se sépare. C’est là que je me suis rendu compte que j’ai fait une erreur !! J’essaye de revenir en arrière, lui était déjà parti. Je retourne à la colline d’avant où on s’était perdu pour essayer d’apercevoir quelque chose au loin. J’enlève le casque, je coupe le moteur, et là pas un chat, pas un bruit à l’horizon !! Mais où sont-ils tous passés !! Je ne savais plus du tout comment retrouver ce WP, on avait tourné dans tous les sens et parcouru 10 km en tout, au milieu du désert… Perdu. On fait quoi dans ces cas-là ?! J’avais l’impression de passer pour un con. Mais je me dis que si lui n’était pas revenu, c’est qu’il a trouvé le WP. Je décide donc de revenir en travers pour retrouver nos traces du début en espérant par la suite retrouver les sienne puis le WP…. Elles ne sont pas franches, mais finalement après un long moment de stress, la flèche s’ouvre. Gros soulagement !!!!!!! Du coup je fais ma nav’ au cap tranquille, j’engrange de l’expérience sans faire d’erreurs et trouve mes WP un à un. Walkner me rattrape et on finit ensemble sans encombre. 7e de l’étape à vingt-quatre minutes en ayant bien perdu un gros quart d’heure. Tout allait bien, et surtout j’ai pris beaucoup de plaisir !

Jour 2

Le lendemain nous partons sur le terrain d’une spéciale du Dakar de l’année dernière. On part dans un rio pour 40 km assez plat. J’attaquais fort mais j’étais à 90 %, je ne commettais pas d’erreur. Le jeune Benavides (Luciano), qui connaît par cœur comme son frère pour s’y entrainer toute l’année, était parti trois minutes devant moi. Au premier changement de direction après 40km de rio, je le reprends. On part dans de la dunette au cap vers un WP, un peu comme la veille avec Toby. J’étais plus rapide, je le double, il me redouble car je suis quelque peu hésitant sur mes cap.  50 km plus loin à un WP dans les dunes je le redouble et j’essayer de creuser. Mais c’était piégeux car les dunettes étaient mauvaises. Malgré le léger écart que je creuse, il me remonte à l’entame d’une zone de limitation. Nous arrivons à un CP où on pointe nos cartons comme en enduro. Il repart dans le rio devant moi en levant beaucoup de poussière, c’était dangereux, j’ai dû en rendre. Sorti de celui-ci, dans les dunettes je le reprends et je sais que nous allons retomber dans un long rio avant le refueling de milieu de spéciale, il me faut à tout prix le doubler avant.

A son cul dans le rio, à l’attaque pour ne pas prendre 1m de retard sinon c’était mort, il me voit et me laisse passer, plutôt cool ! Je pars pour 40 km de pur plaisir. Tu le sens quand tu roules bien, tu sais si tu es dans le bon rythme ou pas. Je me rendais compte que je ralentissais beaucoup trop dans les zones de danger 2 ou 3, mais je préférais ça que l’inverse, zero prise de risques. Au refueling, je vois bien que le team étais surpris de quelque chose…. Et au vu de mon début de spéciale, cela ne pouvait être que du bon côté ! Ils voulaient éviter que je m’emporte, ils ne me donnent ni ma place, ni beaucoup plus d’infos. Simplement que tout allait bien et qu’il fallait rester concentrer

L’accident….

Concentré, je l’étais. Je repars et entame 20 km moins rapide que la première partie de SP, il y a de la puff, des ornières de tracteurs difficiles à rouler, je rentre dans un nouveau rio pas très rapide, plutôt sinueux, je suis nickel dans mon road-book, concentré. Je vois les traces qui partent à gauche, je ne voyais pas trop le terrain pour cause de végétation et je décide d’aller à droite. Je freine, je tourne, je réaccélère, alors assis, en plein charge, je me fais éjecter comme un pantin. En une fraction de seconde je passe par devant, sans toucher la moto et sans qu’elle ne me retombe dessus. Pourtant focus sur le terrain, je n’ai rien vu venir alors que je ne regardais pas mon road book, j’étais sur le pilotage, concentré, il n’y avait rien de visible au sol donc pas de raison de tomber. Forcément, une pierre ou autre chose devait être cachée sous le sable, seule la roue arrière l’a tapée. Je touche le sol quelques mètres plus loin, la tête la première et je me plie en deux. Je n’avais pas fini ma chute que j’avais compris, je ne sentais déjà plus mes jambes. Le début du cauchemar et de la désillusion.

J’étais complètement conscient, je n’avais pas une égratignure, mise à part quelques côtes cassées que je ne sentais pas étant donné ma lésion dorsale. Je garde mon calme, allongé sur le dos. J’enlève mon casque, je n’ai plus de sensation à partir du sternum. En revanche, j’ai l’horrible sensation comme si l’on m’avait mis une corde autour des côtes, tellement serrée que mon sang ne passait plus et que mon corps était séparé en deux…. J’avais très mal. Les bras bougent, mais en dessous des pectoraux, plus rien. Au refueling, le team m’avait dit que j’avais repris trois minutes à Benavides sur le deuxième rio après l’avoir doublé, soit six minutes au total sur la première portion de spéciale. J’ai la présence d’esprit de sortir mon téléphone et de regarder l’heure. Bien sûr, il n’y a pas de réseau. Il devait donc arriver six minutes après moi car en rallye tu repars avec l’écart réel. Je me dis que les minutes allaient être longues… Mais c’était sans compter sur le fait que j’étais un peu à droite de la trace. Je l’entends arriver au loin, je l’entends freiner, et là je réalise qu’il ne va pas passer là où je suis… Je ne peux pas bouger, juste tourner la tête, et je le vois passer… Je vois son casque, ses lunettes… J’avais mon bras levé, mais il ne me voyait pas. Par la suite, tous les pilotes qui sont passés ont emprunté la même trace de gauche, à vingt-trente mètres de moi. Je les voyais mais eux ne regardaient pas dans ma direction…

Cinquante minutes seul

Je ne respirais pas très bien, j’avais un tiers de ma respiration, juste le minimum vital. L’Irritrack devait appeler au bout de cinq minutes, je sais que je suis à 20 km de l’hélico qui devrait être là d’ici une dizaine de minutes. Le premier signal Irritrack arrive en fait qu’après quinze minutes seulement. Forcément je ne peux pas y répondre. Cinq minutes après, nouvelle sonnerie et trente minutes seulement après ma chute, ils essayent de me rappeler et parler. Moi je n’ai pas assez de souffle, je prononce péniblement « Help me, help me », je ne sais même pas si ils m’entendent car ils raccrochent sans donner suite. Ils n’ont pas géré car lorsque je n’ai pas répondu, ils auraient dû envoyer l’hélico directement. Mais en voyant sur leurs écrans les motos passer à côté de la mienne, ils pensaient que j’avais un problème technique seulement. Mais ils auraient dû faire marcher leur jugeote et comprendre que si je ne répondais pas c’est bien qu’il y avait une raison… Au bout de 20 minutes environ, je réalise que j’ai le téléphone satellite dans mon dos !  Entre douleur énorme et mobilité quasi nulle, il me faut quand même 2 minutes pour parvenir à ouvrir la poche côté droit dans mon dos et y glisser ma main gauche. Malheureusement je réalise qu’il est inaccessible de ce côté-là, et que je n’ai aucun accès possible de l’autre côté, m’étant impossible de bouger d’un millimètre. Je ne vous raconte pas la frustration ressenti dans ces moment-là…

Aussi il faisait chaud, le soleil me tapait sur le visage, le sable était chaud. J’avais terriblement soif mais je me privais de boire au cas où j’allais avoir une opération d’urgence dans la foulée. Ma moelle était compressée, j’avais encore la sensation de sentir mes bottes enveloppant mes pieds et j’étais persuadé que mes jambes étaient en l’air à 90°, ce n’est que lorsque je les ai regardées que je me rends compte qu’elles étaient à plat, croisées l’une sur l’autre. L’image était assez hard. Le temps était hyper long, la douleur augmentait… Alors que les différents pilotes défilaient sur ma droite sans me voir, je n’espérais plus qu’une chose, c’était d’entendre un bruit d’hélico arriver au loin. C’est finalement au bout de cinquante minutes, alors que je n’espérais plus rien,  qu’un pilote quad passait enfin dans ma trace et s’est arrêté. Au moment où il arrive près de moi, j’ai lâché prise, j’ai commencé à paniquer et déverser tout mon stress sur lui, je n’arrivais plus à respirer.

Il appelle l’Irritrack et j’entends que l’hélico venait de partir. Au bout de cinq minutes il arrive enfin.  Je leur dis qu’il me faut vraiment de la morphine, ils m’ont évacué en civière. J’avais vraiment mal dans le dos, ils m’ont enfin donné un peu de produits une fois dans l’hélico.

 

 

Il fallait faire vite pour éviter l’hématome. Pedro du team HRC -que j’avais déjà croisé en enduro quelques années auparavant et qui parle un peu français et que je ne remercierai jamais assez- a passé cinq jours et cinq nuits avec moi. Honda a tout géré. Ils ont fait en sorte qu’un jet privé se tienne prêt, l’hélicoptère de l’organisation est venu me chercher pour m’emmener à un aéroport plus grand pour aller à Buenos Aires. Il n’y avait que moi et un médecin dans l’hélico, Pedro lui est parti à fond en voiture pour arriver le plus vite possible. Je n’étais vraiment pas bien, j’avais des vomissements, c’était compliqué à gérer. A Buenos Aires, j’ai été admis dans un hôpital qui était plus que blindé, j’ai eu de la chance de rentrer là-dedans grâce à l’intervention de Honda et du Chirurgien en chef du service, le Docteur Sola. Finalement après examens complémentaires il me dit qu’il n’y a pas urgence à opérer… ça veut dire ce que ça veut dire… J’ai subi une opération de 6h pour remettre les vertèbres en place. 2 côtes ainsi que 2 vertèbres étaient fracturées et un fragment avait touché la moelle en D6. En 2007, je m’étais déjà fracturé trois vertèbres alors que j’étais en tête du SX Tour junior, à l’entrainement. J’avais porté un corset six mois. La moelle n’était pas touchée, mais j’avais déjà eu ce problème aux D7-8-9, la D6 étant juste en dessous. Je pense que j’ai subi les séquelles de cet épisode. J’ai passé six jours sous morphine, je vous passe les galères du quotidien. Il était prévu que je sois rapatrié une semaine après l’opération. C’est court mais tout aussi long. Greg Gilson est venu me voir sur place, ainsi que mon père et mon mécano, mais ils avaient tous pris un billet retour pour le mardi, date de retour prévue de base. On est finalement resté seuls avec mon père jusqu’au dimanche sans savoir vraiment quand j’allais être rapatrié. Je n’en pouvais plus, je pétais un plomb. C’est encore Gérard Valat qui a géré en amont et la FFM qui a pris en charge mon rapatriement alors que ce n’était pas à eux de le faire.

 

D’hôpital en hôpital, j’ai passé 20-21h dans une civière coque. Vraiment pas confortable quand on a le dos cassé, avec tout le monde dans l’avion, placé sur les sièges repliés, ta tête à vingt centimètres des bagages et monsieur tout le monde juste derrière le rideau à cinquante centimètres. Ce vol, je l’ai ressenti comme celui avec le plus de turbulences cumulées de ma vie… Heureusement, le médecin avec moi m’a donné de la morphine, mais j’en ai vraiment chié.

À Lyon, une partie du cauchemar se termine enfin.

 

Maintenant place à la rééducation, la vrai course de ma vie à commencé